samedi 11 décembre 2021

Last night in Soho

 
 
Titre : Last night in Soho
Réalisateur : Edgar Wright
Acteurs : Anya Taylor-Joy, Thomasin McKenzie, Matt Smith
Date de sortie en France : 27 octobre 2021
Genre : thriller, épouvante

Synopsis : 
Passionnée de mode, Eloise n'hésite pas un instant quand elle doit elle aussi quitter la campagne anglaise pour rejoindre la capitale, là où sa propre mère mit fin à ses jours des années plus tôt. Sur place, la jeune femme est victime d'un phénomène inexplicable, et elle se retrouve soudainement propulsée dans le Londres des années 60. Prise entre rêve et réalité, elle s'adapte vite à ce cadre si glamour et agréable. Sa rencontre avec une étoile montante de la chanson va transformer ses espoirs et cette illusion en véritable cauchemar. Elle se retrouve désormais en face de tous les fantômes de ce passé qui l'a toujours hantée... 
 
Avis : 
 Les Beatles, les Who, les Rolling Stones, Pink Floyd... Mary Quant et la minijupe... les mannequins Twiggy et Jean Shrimpton... Les Swinging Sixties britanniques représentent une décennie de révolution culturelle, d’explosion artistique, une période de liberté et d’insouciance. Une décennie qu’admire Eloise, jeune étudiante en mode qui débarque à Londres avec ses musiques des années 60 dans la valise. Une décennie qu’elle rejoindra rapidement dans ses rêves, comme pour s’évader d’un monde contemporain où elle ne se reconnaît pas. Pour finalement s’apercevoir que, de l’autre côté du miroir, cette période fantasmée connaît également sa part d’ombre. 
 
 
Après un "Baby Driver" que j’avais trouvé anecdotique, Edgar Wright se frotte cette fois à l’horreur et à l’épouvante psychologique avec cette héroïne fragile, plongée dans un univers inconnu et hostile. Le thème n’est certes pas nouveau, et le personnage interprété par Thomasin McKenzie ("Old") est une petite boule de clichés sur pattes : la fille réservée, mais douée, psychologiquement fragile, qui a perdu sa mère plus jeune, qui débarque de sa campagne avec toute l’innocence que ça implique, qui va être confrontée à la grande ville, à ses excès et à des camarades insupportables. Pourtant, le personnage est attachant, et va nous entraîner sans problème dans son sillage, à la rencontre de Sandie. 
 
Sandie a du culot, Sandie est belle, Sandie a du talent. Et surtout, Sandie a vécu pendant les Swinging Sixties, et rêvait d’être la nouvelle vedette du Café de Paris. Difficile de ne pas tomber instantanément amoureux du personnage interprété par Anya "The Witch" Taylor-Joy (décidément faite pour ce type de rôle), et Eloise va rapidement vouloir la rejoindre tous les soirs... dans ses rêves. Eloise s’inspire de Sandie, se coiffe comme elle, s’habille comme elle, reproduit sa tenue dans son cours dans son cours de mode.Peu à peu, les frontières entre rêve et réalité s’estompent, notamment grâce au jeu permanent d’Edgar Wright sur les lumières et les reflets. 
 
 
Les éléments des rêves surgissent peu à peu dans la réalité, menaçant la santé mentale d’Eloise. Wright prend son temps pour faire basculer son film. Pendant une longue première partie, il nous vend du rêve et de l’espoir, reproduit l’ambiance des 60s avec brio, nous épuisant presque dans l'euphorie d'une danse et d'un rythme intense, n’y intégrant quelques bizarreries qu’avec parcimonie et avec le sens de la référence que le caractérise. Difficile de ne pas penser à Mario Bava ou à Dario Argento sur certains jeux de lumière, ou lorsque Eloise prend le taxi en direction de son école d’arts. Et quand le film embrasse enfin pleinement son côté obscur, c’est après une incroyable reprise de "Downtown" par Anya Taylor-Joy, qui efface définitivement la frontière entre réalité, rêve... et cauchemar. 
 
On ne s’y attend ainsi presque plus lorsque Last night in Soho plonge dans l’épouvante. Pourtant, plus que de la véritable peur, c’est du malaise qu’il fait naître chez le spectateur. Là encore, le thème de la starlette trompée n’est pas neuf, mais la descente aux enfers est terrible, et le faciès si particulier de Matt Smith ("Lost River", le onzième "Doctor Who") renforce encore ce malaise, tout comme ces spectres aux visages flous qui assaillent de plus en plus Eloise. Si la première partie nous étouffait presque par ses lumières, la seconde lui répond parfaitement en nous maintenant en permanence sous pression. Seul petit regret : un final qui s'étire un peu en longueurs, notamment à cause de ficelles scénaristiques trop grosses et d'une tendance à trop expliquer ce que le spectateur avait déjà compris. 

Le dernier Edgar Wright ne ressemble finalement pas vraiment à ses précédentes oeuvres, exception faite de l'importance de la musique dans le film et pour le personnage principal, et de son goût pour les classiques. Le réalisateur britannique signe ici l'un des meilleurs films de l'année, aussi envoutant qu'inquiétant, et peut-être son film le plus abouti. Et n'oubliez pas : Things will be great when you're Downtown, No finer place for sure Downtown... everything's waiting for you... 
 
 

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