vendredi 30 avril 2021

Irréversible (version originelle / inversion intégrale)


Titre : Irréversible
Réalisateur : Gaspar Noé
Acteurs : Vincent Cassel, Albert Dupontel, Monica Bellucci
Date de sortie en France : 24 mai 2002 (version originelle) / 26 août 2020 (inversion intégrale)
Genre : drame, rape & revenge 

Synopsis : 
Une jeune femme, Alex, se fait violer par un inconnu dans un tunnel. Son compagnon Marcus et son ex-petit ami Pierre décident de faire justice eux-mêmes.

Avis : 
Il avait été le grand choc du Festival de Cannes en 2002 : rape & revenge ultra-violent, bénéficiant de noms prestigieux au casting (Dupontel, Bellucci, Cassel), Irréversible de Gaspar Noé avait secoué pas mal de monde, tant pour son sujet que pour sa forme, avec de longs plans séquences, avec ces images tourbillonnantes, ses sons à basse fréquence, mais aussi son montage antéchronologique. Dix-huit ans plus tard, le film est ressorti en "inversion intégrale", remonté de façon chronologie, afin de nous faire appréhender de façon différente les événements. 


Le principal intérêt du montage original était de nous faire découvrir, après l'explosion de violence initiale, le caractère des différents personnages, et de permettre une certaine réflexion au spectateur sur l'aspect moral ou non de la vengeance. Cette réflexion était également renforcée par la révélation sur l'identité du violeur, mais aussi sur les scènes plus légères qui se succédaient jusqu'à la fin : à l'écran, c'est beau, mais dans l'esprit du spectateur, tout est perverti par le fait d'avoir déjà assisté au tragique destin des personnages. 

En "inversion originale", le film devient un vulgaire rape & revenge comme il en existe des dizaines. Long à démarrer, avec des personnages auxquels on n'accorde plus aucune sympathie (leurs défauts nous sautent bien plus aux yeux, de même que la faiblesse de l'écriture). Toute réflexion disparaît, laissant place au schéma habituel "exposition - viol - vengeance" du genre, qui a connu plus violent et plus radical - et donc, quelque part, plus réussi. Sans nier la force de la scène du viol, ou la violence de la séquence de l'extincteur, leur impact est bien moins fort dans ce sens, tout comme celui de la fameuse révélation. 

J'avais beaucoup aimé (autant que faire se peut) la version de base d'Irréversible, dont le montage faisait oublier les défauts. Défauts qui apparaissent soudain au grand jour avec le remontage chronologique, perdant une grande partie de la force et de l'impact du film juste pour expliciter de façon plus évidente les caractères des protagonistes. Le temps détruit tout, paraît-il : sans doute peut-on en dire autant d'un montage différent. 



jeudi 29 avril 2021

Mortal Kombat


Titre : Mortal Kombat
Réalisateur : Paul W.S. Anderson
Acteurs : Christophe Lambert, Robin Shou, Linden Ashby
Date de sortie en France : 25 octobre 1995
Genre : fantastique, arts martiaux

Synopsis : 
Lord Rayden fait équipe avec un guerrier, un maître en arts martiaux et une belle détective pour remporter le tournoi Mortal Kombat. S'ils échouent, ce sera la fin de l'Humanité.

Avis : 
Si les adaptations de jeux vidéo débarquent régulièrement sur nos écrans de cinéma, ça n'a pas toujours été le cas. Mais au début des années 90, trois licences vont connaître, coup sur coup, les joies du cinéma : Super Mario Bros. en 1993, Street Fighter en 1994, et Mortal Kombat, qui nous intéresse ici, en 1995. Si les deux premiers restent surtout dans les mémoires pour leur absolue médiocrité (j'ai néanmoins une certaine sympathie pour le second...), le troisième est souvent cité comme exemple des moins pires adaptations.  A l'heure où une nouvelle version arrive sur les écrans, il est temps de se replonger sur le film de Paul W.S. Anderson - qui flinguera plus tard d'autres licences vidéoludiques avec les adaptations médiocres de Resident Evil  ou Alien vs Predator


Mortal Kombat étant à l'origine un jeu de baston, principalement réputé pour sa violence graphique, on ne s'attardera évidemment pas sur le scénario. L'histoire n'est qu'un prétexte aux combats, et on appréciera en fait ce côté joyeusement rentre-dedans : on caractérise vite fait le héros via un drame, on présente les personnages secondaires de façon purement formelle, on nous balance un enjeu trop gros pour être vrai... et on met l'accent sur LA star du film, Christophe Lambert, en totale roue libre dans le rôle de Raiden, et dont le rire alimente encore, 25 ans plus tard, de nombreuses conversations sur internet. Et, de façon presque incroyable, alors que tout ça ne devrait pas fonctionner : ça fonctionne. 

Les personnages bénéficient d'un charisme certain, et les combats s'enchaînent à un bon rythme et avec une certaine efficacité, entrecoupés de répliques parfaitement péremptoires. On appréciera ainsi l'affrontement entre Johnny Cage et Goro, contre Scorpion ou le duel final entre Liu Kang et Shang-Tsung. Pourtant, on est loin des sommets des arts martiaux, l'ensemble n'est pas toujours bien chorégraphié et ne se donne pas forcément la peine d'essayer, et on ne retrouve à aucun moment les débordements sanglants des jeux. Mais, encore une fois, ça fonctionne. 

Bien sûr, impossible également de ne pas souligner la musique, et son thème devenu culte. Mortal Kombat est ainsi l'exemple typique du film qui ne devrait pas fonctionner tant il est bourré de défauts, mais qui est finalement assez efficace pour bénéficier d'une certaine indulgence. Quelques éléments ont bien entendu pas mal vieilli depuis (Reptile), mais le film demeure un divertissement assez agréable, sans doute grâce à une certaine naïveté et une sincérité trop rarement présentes dans le genre. 



samedi 17 avril 2021

Gorgo

 


Titre : Gorgo
Réalisateur : Eugène Lourié
Avec : Bill Travers, William Sylvester, Vincent Winter
Date de sortie en France : 30 août 1961
Genre : kaiju eiga

Synopsis : 
Des chercheurs de trésors tombent nez à nez lors d'une expédition au fond des eaux écossaisses avec un monstre préhistorique, apparu après l'éruption d'un volcan. La population s'inquiète de voir disparaître des pécheurs. Deux hommes, Joe et Sam, vont décider de capturer le dinosaure, malgré les avertissements d'un jeune garçon, John. Après une prise de risque importante, le dinosaure est capturé et vendu à un directeur de cirque qui le fait amener à Londres pour l'exhiber. Mais malheureusement, ce dinosaure n'est en fait qu'un jeune enfant et sa mère, mesurant plus de soixante mètres de haut, entend bien venir le récupérer...

Avis : 
C'est un juste retour des choses : en 1954, Godzilla créait une icône du cinéma fantastique, et un genre à part entière avec le kaiju eiga. A l'époque, le scénario du film de Ishiro Honda avait été largement inspiré par un film d'Eugène Lourié : Le Monstre des temps perdus, et son dinosaure réveillé par des explosions atomiques. En 1961, le réalisateur, à qui l'on doit également Behemoth the sea monster et Le Colosse de New York, signe son propre kaiju eiga : Gorgo, dans lequel un monstre géant s'attaque à la capitale anglaise. 


Néanmoins, l'inspiration principale semble venir, pour la première partie, d'une autre créature mythique. En effet, la volonté de capturer la créature pour ensuite l'exhiber en tant que "Huitième merveille du monde" rappelle fortement King Kong. C'est en fin de film, lorsque la mère de Gorgo vient récupérer son enfant, que le kaiju eiga reprend ses droits : suitmation, destructions de maquette (le paysage de Londres se prête superbement au chaos, notamment lorsque le monstre détruit le Tower Bridge, Big Ben ou se dirige vers Picadilly Circus). Bien sûr, certains avis prêtent maintenant à sourire, notamment la démarche gauche de Maman-Gorgo, mais son visage est impressionnant, parfois effrayant, et les séquences de destruction sont particulièrement réussies, notamment grâce à des mouvement de foule en panique très spectaculaires et crédibles. 

Gorgo reste très classique, mais le fan de monstres géants ne pourra s'empêcher d'y voir la source de nombreuses inspirations. L'apparition de la mère (ou des parents !) d'un monstre capturé ou tué par les humains sera un motif récurrent du cinéma fantastique (de Gappa, le descendant de Godzilla aux Dents de la mer 3... même Godzilla aura un fils !), certaines images seront reprises bien plus tard (Gamera l'héroïque copiera par exemple le plan de Gorgo attaché à l'arrière d'un camion, et Godzilla : final wars reprendra le plan final). 

Avec son kaiju eiga britannique, Eugène Lourié reprend donc les grandes recettes du film de monstre pour nous livrer un film très sympathique, bien meilleur que beaucoup de ses lointains cousins asiatiques, avec quelques sublimes séquences lors de la découverte du monstre ou de la destruction de Londres. Le film réussit même à nous toucher grâce à sa naïveté, dans un final positif que l'on voit rarement dans le genre. 



mardi 6 avril 2021

La Nuit de la mort

 


Titre : La Nuit de la mort
Réalisateur : Raphaël Delpard
Acteurs : Charlotte de Turckheim, Betty Beckers, Isabelle Goguey
Date de sortie en France : 22 octobre 1980
Genre : horreur

Synopsis : 
À la suite d'une dispute avec son ami Serge, Martine accepte un poste d'infirmière au «Doux Séjour», maison de retraite isolée en rase campagne. Elle sympathise rapidement avec Nicole, sa collègue de travail, qui disparaît bientôt dans de mystérieuses circonstances. Entre une directrice autoritaire, un gardien et homme à tout faire au comportement étrange et des pensionnaires passablement allumés, Martine finit par réaliser qu'elle est prisonnière de la maison. mais surtout qu'elle pourrait courir un grave danger.

Avis : 
Entre manque de moyens et de considération, le cinéma d’horreur français ressemble en 1980 à un désert, souvent visité seulement par l’unique Jean Rollin. Parmi ces rares films, on trouve La Nuit de la mort de Raphaël Delpard, précédé d’une tenace réputation de navet, voire de nanar.



Pourtant, s’il ne s’agit évidemment pas d’un chef d’oeuvre, le film est finalement assez sympathique malgré quelques énormes défauts. On appréciera ainsi l’ambiance générale, grâce à sa galerie de petits vieux archétypaux et assez troublants. Leur lente procession dans les couloirs, lorsqu’ils s’éveillent pour aller capturer leur proie, est très réussie, avec une musique bien stressante (que je n’ai, contrairement à beaucoup, pas trouvée trop présente), malgré la tendance de certains à surjouer la menace par d’indescriptibles expressions faciales.

D’ailleurs, globalement, à l’exception d’une toute jeune Charlotte de Turckheim qui domine tout ça de la tête et des épaules, l’interprétation est assez lamentable. On pourra néanmoins concevoir qu’il est assez difficile de s’investir dans la peau de personnages aussi idiots : alors que le scénario semble nous indiquer que la chasse à la chair fraîche est une activité ancienne pour le groupe, on aura du mal à imaginer qu’ils aient pu si longtemps passer inaperçus, tant ils font tout pour être remarqués : documents et preuves laissés à la portée du premier venu, comportements inexplicablement suspects, indices échappés lors de la moindre conversation… On ne peut pas y croire, ce qui provoque invariablement le sourire.

Restent quelques effets gores réussis, et une ou deux petites surprises en fin de film. Rien qui ne fera de cette Nuit de la mort un incontournable, mais qui permettent au film d’être bien plus que le navet trop souvent décrit. Finalement, je suis assez content d’avoir investi dans le coffret du Chat qui fume !



lundi 5 avril 2021

Mothra contre Godzilla


Titre : Mothra contre Godzilla (Mosura tai gojira)
Réalisateur : Ishirô Honda
Acteurs : Akira Takarada, Yuriko Hoshi, Hiroshi Koizumi
Date de sortie en France : 
Genre : kaiju eiga

Synopsis : 
Alors qu'un ouragan vient de dévaster Tokyo, deux reporters sont envoyés sur les restes d'un site industriel. Là, ils découvrent une étrange substance. Au même moment, des pêcheurs attrapent un immense oeuf dont les scientifiques n'arrivent pas à percer le secret. Toharata, un puissant homme d'affiares, l'achète et en fait une attraction particulièrement lucrative. La fameuse créature Godzilla sort de l'ombre et attaque une nouvelle fois le Japon. La seule issue pour les humains sera de demander de l'aide à une autre bête géante, Mothra, à qui appartient l'oeuf...
 
Avis : 
En 1964, Godzilla affronte pour la première fois l'une des créatures les plus emblématiques du kaiju eiga : Mothra. Apparue en 1961 dans le film éponyme, la mite géante est un monstre bienfaiteur, protecteur de la planète, apportant ainsi une dimension écologique et un peu de nuance là où les adversaires de Godzilla ne sont souvent que d'autres géants destructeurs. 



Mothra apporte également une certaine touche de poésie, et une dimension particulièrement tragique à la saga, l'insecte géant étant une créature martyre, obligée d'évoluer pour affronter son adversaire, largement plus puissant qu'elle. Et grâce à des effets spéciaux de qualité, une réalisation soulignant parfaitement les moments forts et l'émotion en émanant, l'affrontement entre Mothra et Godzilla est l'un des meilleurs combats de l'ère Showa, ce qui était loin d'être gagné lorsqu'on imaginait une mite géante se confronter à un reptile géant au souffle atomique. 

A côté des scènes de combat et de destruction (assez peu nombreux, d'ailleurs, l'essentiel du film se déroulant dans des paysages déserts), le scénario est malheureusement plus classique, dénonçant la soif de profit de l'Homme au détriment de la nature, opposant un homme d'affaires bien stéréotypé à un scientifique. Ces séquences entraînent une relative baisse de rythme, heureusement compensée par la qualité des combats? 

Mothra contre Godzilla peut donc se voir comme une véritable fable, un hymne en faveur de la nature. La sagesse et la poésie liées à l'insecte géant tranchent radicalement avec le côté violent de Godzilla - pour la dernière fois de l'ère Showa. La mite géante est d'ailleurs très vite devenue une véritable icône, et l'une des créatures préférées et les plus connues au sein du bestiaire du kaiju eiga, présente dans de nombreux films de la saga Godzilla. Une célébrité telle qu'elle apparaîtra même dans le MonsterVerse américain, dans le très moyen Godzilla II : Roi des monstres.