mercredi 30 mars 2022

Evil dead trap 2

 
 
Titre : Evil Dead Trap (Shiryo no wana 2 : Hideki)
Réalisateur : Izo Hashimoto
Acteurs : Shoko Nakajima, Rie Kondoh, Shino Ikenami
Date de sortie en France : 15 février 2022 (Blu-ray)
Genre : thriller, horreur
 
Synopsis : 
Aki Otani, projectionniste, femme en surpoids et solitaire, se voit hantée par les apparitions d'un garçonnet. Victime d’un traumatisme, elle éventre des femmes auxquelles elle retire l’utérus. Son amie, Emi, journaliste TV, suit les méfaits du tueur des rues. Elle lui présente Kurahashi, son amant. Une relation étrange s'établit entre eux trois...
 
Avis : 
Evil dead trap 2 n’a rien à voir avec Evil dead, mais on s’en doutait déjà après avoir vu le premier film. Plus étonnant, il n’a pas grand-chose de commun avec Evil dead trap. Changement de  réalisateur, changement de décor, changement d’ambiance pour cette suite qui n’en est pas une, et qui nous propose de suivre Aki, projectionniste obèse et timide. Et accessoirement psychopathe. 


Evil dead trap mêlait giallo, slasher, fantastique et thriller, dans le décor froid d’un bâtiment désaffecté. Evil dead trap 2 nous plonge dans les entrailles d’une mégalopole dans un drame qui va virer à l’horreur absolue. Des rues glauques, sordides, où l’on pourrait presque croiser Joe Spinell, et qui sont le théâtre de crimes particulièrement violents (cette fois, c’est Jack l’éventreur qui ne semble pas bien loin)… et mis en scène de très belle façon par Izo Hashimoto, notamment sur certains magnifiques plans larges.

L’ensemble culmine dans une dernière partie complètement folle, qui tranche radicalement avec un rythme qui était, jusque là, assez lent. On en sort un peu groggy, un peu étourdis par tout ce qui saute au visage, tant au niveau symbolique que visuel (la séquence de la baignoire), et le sentiment d’avoir sans doute raté quelques pièces pour rassembler tout le puzzle. Cela nous fera un bon prétexte pour replonger dans ce Evil dead trap 2 qui, s’il n’a rien à voir avec le premier, a quand même ce point commun : c’est une œuvre étonnante et très réussie, que l’on aura clairement envie de revoir !

 


vendredi 25 mars 2022

Love & Peace


Titre : Love & Peace (Rabu & Pîsu)
Réalisteur : Sono Sion
Acteurs : Hiroki Hasegawa, Kumiko Aso, Toshiyuki Nishida
Date de sortie en France : 20 novembre 2020 (vidéo)
Genre : drame, fantastique, kaiju eiga

Synopsis :  
Chanteur de rock déchu, Ryoichi est devenu un anonyme employé de bureau. Pris d'une folle amitié pour une tortue nommée Pikadon, il doit, sous la pression de ses collègues dont il est le souffre-douleur, l'abandonner. Pikadon trouve refuge dans les égouts, où elle rencontre un vieil homme qui lui donne la faculté de parler.

Avis : 
« Pikadon, jamais je ne t’oublierai ». Une simple phrase, le refrain d’une banale chanson de J-rock qui va faire du héros une célébrité, mais qui va porter en elle le double niveau de lecture du film de Sono Sion. Pikadon, c’est la bombe atomique : pika- désigne le flash lumineux, tandis que -don évoque la déflagration. Pikadon, c’est aussi le nom de la gentille et mignonne tortue du héros. Un nom de kaiju. Un nom qui fait le lien entre les créatures du kaiju eiga, et leur origine atomique. 
 

Avec Love & Peace, Sono Sion « fait son cinéma ». Un cinéma souvent empreint de cynisme, souvent très critique envers son propre pays, et qui profite de l’organisation des futurs (à l’époque) Jeux Olympiques de Tokyo pour égratigner la course au progrès qu’ils entraînent, dans une société où l’égoïsme, le harcèlement et le culte de l’apparence sont devenus les moteurs. Dans cette société, le vieux, l’ancien sont voués à être jetés au profit du neuf, tels ces jouets et ces animaux abandonnés par leurs propriétaires.

Un cinéma également bourré de nostalgie, notamment envers les films à effets spéciaux typiques du Japon : des origines atomiques de Godzilla à l’élevage d’une tortue qui deviendra géante, rappelant forcément Gamera l’héroïque, Sono Sion nous offre un condensé de kaiju eiga, en utilisant des effets spéciaux traditionnels, des plans signatures (la tortue géante traversant Tokyo, ou son transport, attachée sur une remorque), des thématiques classiques du genre : les Jeux Olympiques de 1964 avaient déjà fait prendre une nouvelle direction à la saga Godzilla, le progrès technologique les accompagnant marquant l’apparition d’éléments de SF, et la figure du monstre amical renvoie évidemment aux premiers Gamera et à certains Godzilla. Sono Sion va même, le temps d’une séquence fantasmagorique, sembler s’amuser du manque de moyens des films du genre durant les années 70 en faisant évoluer son monstre au milieu de bâtiments réduits à leur plus simple expression, des bâtiments de jeux de société, tous semblables et sans aucun détail. A moins qu’il ne s’agisse de mettre le doigt sur les dérives d’une société tournée vers l’uniformité ?
 

Cette nostalgie est également palpable dans toutes les séquences mettant en scène jouets et animaux abandonnés, partagés entre le faible espoir peu réaliste de retrouver leurs propriétaires (les chiens espérant par exemple être accueillis à bras ouverts par leurs maîtres les ayant « perdus ») et le cynisme du chat. Cela amène à une conclusion magnifique et particulièrement émouvante.

La rencontre entre Sono Sion et un cinéma familial pouvait laisser perplexe, mais le prolifique réalisateur offre une œuvre bouleversante, et pas beaucoup moins cynique ou critique que le reste de sa filmographie. On appréciera tout particulièrement le mordant relatif à tout ce qui entoure l’organisation des Jeux Olympiques, rendu encore plus efficace par le report de cet événement suite à la pandémie de Covid19. Bref, une réussite totale en ce qui me concerne ! 
 


 

mardi 22 mars 2022

Un héros

 
 
Titre : Un héros (Ghahreman)
Réalisateur : Asghar Farhadi
Acteurs : Amir Jadidi , Mohsen Tanabandeh , Fereshteh Sadre Orafaee
Date de sortie en France : 15 décembre 2021
Genre : drame

Synopsis : 
Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu… 
 
Avis : 
Imaginez : vous êtes en prison parce que vous n’avez pas pu rembourser une dette. Vous trouvez (enfin, presque...), lors d’une de vos permissions, un sac rempli de pièces d’or qui permettra de solder une partie de cette somme, et ainsi d’obtenir un accord avec votre créancier. Que faites-vous ? Rahim va choisir de le rendre. Enfin, presque. Et être perçu comme un héros pour ce geste. Enfin… Presque...
 

Avec Un héros, Asghar Farhadi nous livre un drame à suspense dans lequel son personnage principal est peu à peu pris au piège de son honnêteté… et de ses petits mensonges, à l’heure où chacun semble préoccupé par sa propre réputation, notamment sur les réseaux sociaux. Car le fait de rendre l’argent à la propriétaire du sac n’est pas le premier réflexe de Rahim. S’il avait pu négocier un meilleur prix pour ces pièces, il les aurait vendues sans aucune hésitation. D’ailleurs, ce n’est pas lui qui le trouve, ni le rend. Même si cela rend l’histoire plus belle. Et plus vendeuse pour les médias. Et que cela permet à la prison de redorer un peu son image.

Les petits mensonges se succèdent, entraînent d’autres petits mensonges, et Rahim est peu à peu emporté par un tourbillon de petits arrangements avec la vérité qui le rattrapera lentement. Comme souvent chez Farhadi, les apparences sont trompeuses, notamment dans le rapport entre le débiteur et son créancier : l’un n’est pas si blanc que cela, l’autre est loin d’être le vil vautour inflexible que l’on imagine d’abord, d’autant que le scénario laisse volontairement certains points en suspens, comme pour mieux jouer avec le spectateur, ses certitudes et sa conscience.

Porté par une interprétation impeccable, Un héros est une nouvelle réussite pour le réalisateur iranien, qui n’est décidément jamais aussi efficace que lorsqu’il explore son propre pays et ses rapports de force si particuliers.  
 

 

vendredi 18 mars 2022

Baby Cart, volume 1 : Le Sabre de la vengeance

 
 
Titre : Baby Cart, volume 1 : le sabre de la vengeance (Kozure okami : ko wo kashi ude kashi tsukamatsuru)
Réalisateur : Kenji Misumi
Acteurs : Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Fumio Watanabe
Date de sortie en France : 
Genre : chanbara
 
Synopsis : 
Au château d'Edo, Itto Igami est le bourreau officiel du shogun. Cette fonction est convoitée par tous les maîtres d'armes de la cour, car elle procure le privilège d'être admis à ses audiences personnelles. Et Retsudo Yagyu, maître d'armes assoiffé de pouvoir, compte bien récupérer à son compte ce poste prestigieux. 
Un jour, Ogami est accusé à tort de comploter contre le shogun. Déchu de ses titres et condamné à se faire hara-kiri, il choisit de fuir avec son fils. Devenu tueur à gages sous le nom du "Loup à l'enfant", l'ancien bourreau n'a plus qu'une raison de vivre : se venger de Retsudo et prouver son innocence. 
 
Avis : 
La saga Baby Cart (The Lone Wolf and Cub) est l'adaptation du manga fleuve (plus de 9000 pages) de Kazuo Koike (à qui l'on doit également Lady Snowblood ou Crying Freeman). Un manga qui ressort actuellement en édition prestige chez Panini, et qui a pour particularité de se présenter sous la forme de chapitres relativement indépendants les uns des autres. Une structure un peu éclatée, que l'on va retrouver dans le premier volet des adaptations : Le Sabre de la vengeance
 
 
Le film est réalisé par Kenji Misumi : après la faillite de la Daiei, où il avait fait toute sa carrière, réalisant notamment plusieurs volets de la saga Zatoichi. C'est d'ailleurs l'interprète du célèbre masseur aveugle, Shintaro Katsu, qui va produire les Baby Cart et lui confier la réalisation. La mise en scène sera d'ailleurs l'un des éléments marquants de la série, mêlant le rythme feutré que l'on associe souvent au cinéma classique japonais et violence décomplexée : on y retrouve ainsi les geysers de sang que reprendra par exemple Tarantino dans son Kill Bill, et les passages plus calmes, où Tomisaburo Wakayama jauge ses adversaires du haut de son impressionnant charisme. 

Le film reprend principalement les chapitres A l'oiseau les ailes, à la bêtes les crocs, dans lequel Itto arrive dans une ville thermale contrôlée par un groupe de samouraïs renégats, et Le Chemin blanc entre les fleuves qui décrit le passé de l'ancien bourreau. On y découvre ainsi un personnage aux allures d'ours mal réveillé, mais capable de finesse sabre à la main, inarrêtable, suivant sa propre morale, mais également impitoyable et capable d'utiliser les astuces les plus fourbes. Un tempérament volcanique, à peine attendri par la présence de son fils, assez en retrait sur ce premier volet. 

On navigue ainsi entre séquences très fortes (l'introduction, la prostituée, la rivière...) et des séquences plus posées, destinées à nous présenter le héros de la future saga. L'ensemble donne un excellent film de sabres, et donne surtout immédiatement envie de voir la suite. Et de la lire, aussi : je retourne à mon second tome du manga ! 
 

 

mercredi 16 mars 2022

Evil dead trap

 
 
Titre : Evil dead trap (Shiryo no wana)
Réalisateur : Toshiharu Ikeda
Acteurs : Miyuki Ono, Aya Katsuragi, Hitomi Kobayashi
Date de sortie en France :15 février 2022 (Blu ray)
Genre : horreur

Synopsis : 
Nami Tsuchiya, présentatrice d'une émission TV de nuit, reçoit un jour la cassette vidéo d'un snuff movie tourné dans une base militaire désaffectée. Avec son équipe, elle se rend sur les lieux où un tueur entreprend de les décimer les uns après les autres...

Avis : 
Si les mots « culte » et « ovni cinématographique » sont souvent galvaudés, ils sont particulièrement adaptés à Shiryo no wana, ce film d’horreur absolument unique venu du Japon et mieux connu dans nos contrées sous le titre de Evil dead trap. Longtemps invisible chez nous, le titre s’est dévoilé petit à petit, évoqué par des fanzines spécialisés, raconté par des téméraires ayant pu en voir une version sans sous-titres. Et si on peut depuis quelques années le voir relativement facilement, le Chat qui fume permet enfin de (re)découvrir ce film dans des conditions royales. 
 

Evil dead trap (le film n’a rien à voir avec celui de Sam Raimi, et n’est là que pour faciliter son exploitation internationale) ne ressemble à aucun autre film. Mélange de thriller, de slasher, de giallo, il enchaîne les séquences folles à un rythme soutenu : de l’introduction à la Guinea Pig aux célèbres mises à mort de ses personnages (l’empalement, la scène de l’arbalète), le film de Toshiharu Ikeda prend un malin plaisir à nous surprendre et à nous terrifier, grâce à une ambiance très travaillée (ce bâtiment désaffecté, aussi froid que poisseux), une réalisation très solide et une superbe partition musicale (qui rappelle étrangement celles des Goblin).

Finalement, seul le final, bien qu’entraînant le film vers de nouveaux sommets de bizarreries, me laisse un peu sur ma faim. Cela n’empêche pas d’avoir envie de revoir régulièrement ce Evil dead trap qui, quelque part entre Cronenberg, Argento, Bava, se fait une place de choix… et est régulièrement, à son tour, cité par des réalisateurs contemporains tels que James Wan (Saw en reprend par exemple l’idée de l’appareil photo et des pièges, et Malignant pour un hommage encore plus appuyé). Une petite perle made in Japan !