dimanche 31 octobre 2021

The Medium


Titre : The Medium 
Réalisateur : Banjong Pisanthanakun
Acteurs : Narilya Gulmongkolpech, Sawanee Utoomma, Sirani Yankittikan
Date de sortie en France : pfff
Genre : horreur
 
Synopsis : 
Une équipe de film vient tourner un documentaire sur le chamanisme dans un village thaïlandais. Ils s’intéressent tout particulièrement à Nim, une chamane habitée par un esprit qui se transmet de génération en génération dans sa famille. Mais le tournage va prendre une tournure terrifiante…
 
Avis : 
Le cinéma thaïlandais n'est sans doute pas celui que l'on connaît le plus, même pour les amateurs de cinéma asiatique. Une méconnaissance sans doute due à l'exploitation d'un folklore local assez hermétique, avec ses nombreux phi (un terme que l'on pourrait traduire par esprit mais qui est en même temps beaucoup plus riche que ça) et ses légendes locales, comme celle de Nang Nak, exploitée dans de très nombreux films ; mais aussi pour leur goût pour les débordements dérangeants, avec par exemple l'étonnant phi Krasü, créature constituée d'une tête volante d'où pendent ses entrailles, ou l'exploitation horrifique de foetus et de bébés, comme dans The Snow white. Bref, rien de très vendeur pour le grand public occidental, qui ne connaît souvent ce cinéma que par le biais des frères Pang (la saga The Eye, Les Messagers) ou des réalisateurs Parkpoom Wongpoom et Banjong Pisanthanakun (l'excellent Shutter et Alone). Des éléments qui expliquent peut-être pourquoi The Medium ne débarquera sans doute pas sur nos écrans, en dehors de sa projection au Festival du Film Coréen à Paris. Dommage. 
 
                                                          
Pourtant, le film est précédé d'une énorme réputation, née notamment de son exploitation en Corée du Sud : des journalistes qui en pleurent de terreur, des critiques qui en font des cauchemars (ce qui arrivera également à l'un de nos chroniqueurs les plus chevronnés !), des séances où l'on laisse la lumière allumée pour rassurer les spectateurs, d'autres où des bouchons d'oreilles sont distribués... Forcément, même si l'on se méfie toujours de ce genre d'échos (on ne compte plus les films médiocres faisant leur promotion sur les réactions disproportionnées des spectateurs), ça intrigue et donne clairement envie de se faire une idée soi-même. 
 
Une envie d'autant plus grande que le réalisateur n'est autre que Banjong Pisanthanakun (Shutter donc, mais également l'un des plus gros succès de l'histoire du cinéma thaïlandais avec Pee Mak, adaptation... de la légende de Nang Nak), et que le producteur et scénariste est le sud-coréen Na Hong-jin, réalisateur des formidables The Chaser et The Strangers, qui reste l'une des rares expériences cinématographiques de ces dernières années à m'avoir véritablement remué. 
 
 
The Medium se présente comme un reportage suivant le personnage de Nim, une chamane possédée par l'esprit de Ba Yan, et faisant le lien entre la divinité et le village. Dans la famille de Nim, cette tâche se transmet de génération en génération : sa grand mère, puis sa tante ont été possédées par Ba Yan, mais sa soeur Noi a refusé de devenir medium, préférant se tourner vers le Christianisme. Noi vient par ailleurs de perdre son mari, Wiroj, mort d'un cancer, peu après le suicide de leur fils, Mac. Enfin, Nam et Noi ont également un frère aîné, Manit.  

Pisanthanakun prend le temps de nous présenter ces personnages, leurs différents caractères, ce qui les lie et ce qui les sépare, et même certains éléments de leurs passés respectifs, comme le destin du grand-père puis du père de Wiroj. En plus d'apporter une vraie profondeur aux protagonistes (par ailleurs parfaitement interprétés, notamment par Sawanee Utoomma et Narilya Gulmongkolpech), tous ces détails auront leur importance dans l'histoire, renforçant la crédibilité de ce qui leur arrive. Une histoire qui, elle-même, prend le temps de se développer, et réussit même par le biais de ce faux documentaire à donner ou à suggérer au profane les clés nécessaires à la compréhension des événements folkloriques. 
 
 
Et ça fonctionne parfaitement. Comme souvent dans les films traitant de possession, le spectateur attentif pourra repérer les premières manifestations, souvent subtiles, comme un comportement qui change légèrement (un manque d'attention lors de funérailles par exemple) ou un étrange reflet dans une vitre. Les manifestations deviennent ensuite plus classiques, plus évidentes, mais restent terriblement efficaces grâce à un sens aigu de la mise en scène (l'utilisation des caméras portées par l'équipe aura rarement été aussi judicieuse - quitte à parfois sembler artificielle) et du timing. 
 
C'est simple, si le film progresse très lentement durant sa première heure, installant parfaitement ses enjeux et son ambiance, la pression monte ensuite très vite, pour ne plus lâcher le spectateur durant 40 minutes. On bascule alors dans des séquences terrifiantes, où les rares jump-scares viennent simplement nous permettre de souffler quelques secondes avant de replonger dans l'ambiance cauchemardesque accompagnant l'ultime séquence. A l'image de la dernière partie de The Strangers, avec lequel le film partage de nombreux points (le lien entre modernité et tradition, la présence discrète et pourtant omniprésente des croyances, la perversion de l'innocence, l'importance de l'héritage...), on ressort complètement lessivé de cette conclusion, qui nous hante encore bien longtemps après que les lumières se sont rallumées. 
 
The Medium est une vraie expérience, qu'il est presque criminel de ne pas proposer sur grand écran, notamment pour profiter d'une ambiance sonore particulièrement immersive. Clairement le meilleur film horrifique de l'année, et l'une des oeuvres les plus marquantes depuis longtemps, The Medium est un film qu'on a autant envie de vite revoir, afin de mieux appréhender certains détails de l'histoire, que d'oublier, tant il peut être éprouvant. 



dimanche 24 octobre 2021

Le Grand tournoi


Titre : Le Grand tournoi (The Quest)
Réalisateur : Jean-Claude Van Damme
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Roger Moore, James Remar
Date de sortie en France : 24 juillet 1996
Genre : arts martiaux, aventures

Synopsis : 
En 1925, Christophe Dubois, acrobate de rue, est le leader d'un groupe d'orphelins qui vivent de rapine. Leur dernière prise, une mallette remplie d'argent dérobée à un gangster, va bouleverser sa vie. Retrouvé par les trafiquants, Christophe s'enfuit et se cache dans les cales d'un cargo en partance pour l'Extrême-Orient. Découvert par l'équipage, il est enchainé puis libéré par des pirates qui écument les côtes chinoises. Lord Dobbs, leur chef, remarque l'extraordinaire aptitude de Christophe au combat et décide d'un faire un champion de combats clandestins.
 
Avis : 
 Le Grand tournoi est la première réalisation de Jean-Claude Van Damme, à une époque où ses films commencent à rencontrer moins de succès. Souhaitant sans doute rester en terrain connu et exploiter une recette qui a fait ses preuves, il reprend l’idée d’un tournoi auquel le personnage principal n’était à l’origine pas voué à participer. On pense évidemment à Tous les coups sont permis ou Kickboxer, le tout dans une ambiance bien particulière. 


Car le film prend place en 1925, dans une île perdue au large du Siam, donnant à l’ensemble un côté film d’aventures au charme un peu désuet mais appréciable. Un charme renforcé par la présence de Roger Moore, qui apporte son flegme tout britannique à un personnage de vieille fripouille à qui l’on donnerait pourtant le bon Dieu sans confession. Mais si l’ancien James Bond tire largement la couverture à lui, on est surtout là pour les combats.

Et il faut bien avouer que ceux-ci sont particulièrement prenants. Les affrontements opposent des combattants d’origines diverses, et on prend un vrai plaisir à voir s’opposer des styles radicalement différents, du sumo à la boxe thaï en passant par la boxe ou la capoeira. Mention spéciale pour le combattant chinois, d’une vivacité impressionnante et qui mime des mouvements d’animaux. Finalement, seul le grand méchant du film, combattant Mongol interprété par l’impressionnant Abdel Qissi (l’adversaire final de Full contact) nous laissera sur notre faim, ne dégageant pas grand-chose, notamment lors du dernier duel, interminable.

Entre film d’aventures et film d’arts martiaux, la première réalisation de JCVD ne manque pas de défauts mais se suit sans déplaisir grâce à son ambiance et à la présence de Roger Moore. Du bon petit film d’action à l’ancienne, soigné, sans esbroufe ni prétention. 



samedi 9 octobre 2021

Dune (2021)

 

Titre : Dune
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Timothée Chalamet, Oscar Isaac, Zendaya
Date de sortie en France : 15 septembre 2021
Genre : science-fiction
 
Synopsis : 
L'histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s'il veut préserver l'avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l'univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l'humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…
 
Avis : 
lisse, adj.
Dont la surface est unie, polie, sans aspérités.
 
Si le Larousse cherche une illustration à cette définition, il n'aura pas à chercher bien loin : il suffira d'intégrer un lien vers le film le plus attendu de l'année, la nouvelle adaptation de Dune de Frank Herbert, par Denis Villeneuve. Car le film va soigneusement gommer tout ce qui pourrait dépasser (et qui pouvait, par exemple, faire le charme de certains éléments de la version de Lynch), afin d'offrir au plus grand nombre un bon petit blockbuster consensuel à sa mémère. 
 
 
On a ainsi l'impression d'être devant une succession de jolies images plus que devant un film. Profondeur de champ, construction des plans, rien à dire, visuellement tout y est, d'autant que les effets spéciaux sont irréprochables (mais c'est le cas pour tous les gros blockbusters, de nos jours). Les acteurs aussi, sont superbes : pas un poil de trop, pas une ride (à part, bien sûr, les méchants, qui sont forcément moches)... Mais du coup, impossible de s'attacher à eux, impossible même de les considérer comme des personnages : quand on voit Oscar Isaac à l'écran, on voit Oscar Isaac, pas Leto Atreides. Pareil pour Thimotée Chalamet, Rebecca Ferguson ou Jason Momoa. 

Forcément, dans de telles conditions, il devient compliqué de de ressentir une quelconque émotion : nous sommes face à des acteurs qui évoluent dans de jolis décors. C'est tout. Et ce ne sont pas ces tics de réalisation monstrueusement lourdingues qui vont arranger le constat : on ne compte plus les ralentis, les mêmes images montrées plusieurs fois, pour bien faire comprendre au spectateur (qui, c'est bien connu, est un peu con) qu'il s'agit d'une vision. Je pense que si on vire ces séquences où Zendaya se retourne au ralenti, on gagne environ une demi-heure de film. Le recours systématique à cet artifice en devient presque parodique, tout comme l'utilisation de la musique de Hans Zimmer, qui livre la partition la plus zimmerienne possible. Vous avez déjà vu les plans du film dans d'autres oeuvre ? Vous aurez encore davantage entendu sa musique, tant elle ne cherche qu'à rester dans les clous. Et quand elle soulignera inutilement une séquence, ou quand la voix féminine vous pourrira une nouvelle fois les oreilles pour souligner le côté mystique et fantastique des images, c'est contre vos tympans que viendront frotter lesdits clous. 
 
 
Alors oui, on s'ennuie peu, même si on connaît globalement déjà l'histoire. Tout est beau, tout est précis. Mais on ne ressent aucune émotion devant un blockbuster beaucoup trop calibré, où rien ne dépasse, pas même un grain de sable. Aucun émerveillement, aucune tension, aucune tristesse, aucune surprise, juste le cahier des charges pour plaire au plus grand nombre. Comme souvent chez Denis Villeneuve, finalement. Personnellement, ce n'est pas ce que je cherche quand je vais au cinéma, même lorsqu'il s'agit d'un blockbuster. 
 

 

mercredi 6 octobre 2021

Malignant

  

Titre : Malignant
Réalisateur : James Wan
Acteurs : Annabelle Wallis, Maddie Hasson, George Young
Date de sortie en France : 1er septembre 2021
Genre : épouvante, horreur
 
Synopsis :
 La vie de Madison Mitchell est perturbée lorsque de terribles visions viennent la hanter. Quelle est cette créature malveillante qui la poursuit et commet ces meurtres atroces ?
 
Avis : 
Entre deux films Aquaman, James Wan revient, comme souvent, à son genre de prédilection avec Malignant. Un film d’épouvante donc, pour celui qui alimente depuis quelques années certaines des franchises les plus rentables – et redondantes – du genre, de la saga Saw, qu’il a initiée, à la saga Insidious et au triste Conjuringverse, dont il a signé les deux premiers volets. Ces dernières années, le réalisateur semble s’être enfermé dans une recette paresseuse, mais gagnante, à base de films copiés-collés, à l’emballage plutôt élégant, mais se reposant uniquement sur les jump-scares. 
 

Bref, on a peu de doutes sur ce qui nous attend en allant voir ce Malignant, et pendant une bonne partie du film, on ne sera pas surpris : James Wan va nous proposer des plans très travaillés, faire virevolter sa caméra, faire des travellings acrobatiques, le tout juste pour étaler sa technique et finalement balancer un jump-scare. James Wan, c’est ce gamin qui fait 3 fois le tour du terrain en jonglant, en multipliant roulettes et passements de jambes, pour finalement tirer à côté. Dans les deux cas, ça manque sa cible, et c’est terriblement frustrant parce qu’on sait qu’il y a quelque chose : Wan sait faire naître la tension, il sait mettre le spectateur mal à l’aise… mais gâche systématiquement ses approches par le pire gimmick du cinéma d’épouvante moderne, aussi contreproductif (non, sursauter, ce n’est pas avoir peur) qu’insultant pour le spectateur.

Puis peu à peu, le film propose autre chose. On sort du cadre de l’épouvante pure pour explorer d’autres horizons. En fait, on sort même de l’épouvante à la mode de 2021 pour revenir plusieurs décennies en arrière : il y a presque du giallo dans cet étrange tueur à la longue veste, aux mains gantées, utilisant une arme blanche et jouant volontiers avec la lumière et les reflets. Il y a du slasher, de l’horreur psychologique, du body horror bien sale, notamment lorsque l’identité de la menace se dévoile pleinement… Le film ose enfin sortir des sentiers battus, et ça fait franchement du bien.

Et surtout, il y va avec une vraie générosité, plongeant intégralement dans l’étrangeté de son histoire : Malignant en devient un film un peu fou, sans doute bourré de défauts, sans doute un peu grotesque par moments (le poste de police), sans doute souvent de mauvais goût, mais d’une folie que l’on perd malheureusement dans le cinéma horrifique sur grand écran. Forcément, on va perdre les adeptes de l’épouvante bien lisse et bien calibrée, mais de mon côté, je préfère mille fois cette proposition à l’idée de me refaire un Conjuring