mardi 30 août 2022

The Reef

 

Titre : The Reef
Réalisateur : Andrew Traucki
Acteurs : 
Date de sortie en France : 21 juin 2011 (DVD)
Genre : horreur

Synopsis : 
Luke, Matt, Suzie et Kate embarquent sur le yacht de Warren et profitent du voyage pour s'attarder sur la plage d'une île déserte. Repartant en catastrophe alors que la marée descendante menace d'échouer le bateau, ils reprennent le large. Malheureusement, quelques heures plus tard, ils heurtent un récif coralien retournant l'embarcation, la destinant à couler à moyenne échéance. Le groupe décide alors de rejoindre une île à la nage, mais va rapidement rencontrer un terrible prédateur sur son chemin. 
 
Avis : 
Après le sympathique Black Water, Andrew Traucki récidive dans le domaine du survival animalier réaliste. Succédant au crocodile dans la mangrove du nord de l'Australie, c'est cette fois le grand requin blanc qui menace un groupe perdu en pleine mer. Une situation qui rappelle inévitablement Open Water - en eaux profondes, auquel le précédent film de Traucki pouvait déjà faire penser. Toutefois, The Reef va se réveler complètement différent du film de Chris Kentis, notamment par le biais d'une action un peu plus présente et d'un côté plus spectaculaire. 
 
"Inspiré de faits rééls", en l'occurrence l'histoire de Ray Boundy, seul survivant d'un incident similaire en 1983, The Reef va rapidement favoriser l'immersion du spectateur grâce à un choix difficile : faut-il rester sur l'épave qui risque de couler dans les prochaines heures pour attendre d'hypothétiques secours, ou faut-il tenter sa chance à la nage vers une île que l'on n'aperçoit pas, dans une eau peut-être infestée de requins ? Le réalisateur choisira de suivre le groupe essayant de rejoindre la terre ferme... et qui sera rapidement confronté à sa pire crainte. Si pendant quelques minutes le périple est peu intéressant, il devient assez vite rythmé par l'impression redondante qu'ont les personnages d'apercevoir quelque chose, ce que l'un d'entre eux, possédant l'unique paire de lunettes de plongée, s'empresse de vérifier à chaque fois... jusqu'à repérer une ombre bien sinistre rodant non loin. Ces quelques minutes durant lesquelles le requin tourne autour du groupe constituent à mon avis le meilleur passage du film. La tension est présente, le suspense progresse de façon très efficace et chaque coup d'oeil jeté sous l'eau est l'occasion de frémir en même temps que le groupe. 
 
Et lorsque l'animal attaque, c'est terriblement impressionnant, notamment grâce à des effets spéciaux très réussis, intégrant de véritables images de grand requin blanc à l'action pour un réalisme saisissant, rarement vu au cinéma. On regrettera néanmoins une certaine volonté de spectaculaire qui dessert parfois le film, notamment avec une utilisation trop évidente de la musique, insistant sur les passages dramatiques là où le silence et les bruits naturels auraient peut-être été plus efficaces. Dommage également que le film finisse par ressembler à n'importe quel film mettant en scène un animal tueur, celui-ci étant apparemment décidé à tuer l'intégralité du groupe tel le tueur d'un slasher basique... Enfin, s'il est toujours difficile d'imaginer ce qu'on ferait dans de telles circonstances, certains comportements risqueront de sembler peu probables au spectateur, comme celui menant à la première attaque...
 
Ces quelques bémols restent néanmoins des défauts bien trop faibles pour empecher The Reef d'être une réussite qui réussit, malgré un postulat semblable, à se démarquer d'Open Water en misant davantage sur l'action et le spectaculaire, au détriment de la psychologie des personnages. 
 

 

lundi 29 août 2022

Nope

Titre : Nope
Réalisateur : Jordan Peele
Acteurs : Daniel Kaluuya, Keke Palmer, Steven Yeung
Date de sortie en France : 10 août 2022
Genre : science-fiction

Synopsis : 
Les habitants d’une vallée perdue du fin fond de la Californie sont témoins d’une découverte terrifiante à caractère surnaturel. 
 
Avis : 
Je pense pouvoir affirmer sans trop de risques qu'après ses deux premiers films (Get out et Us), Jordan Peele est un réalisateur particulièrement clivant, génie pour les uns et surcôté pour les autres. De mon côté, j'ai trouvé à peu près les mêmes qualités et les mêmes défauts dans ces deux oeuvres : un point de départ très intriguant, une première moitié de film passionnante, une mise en scène très soignée... puis une seconde partie retombant comme un soufflet, et me laissant une impression finale assez mitigée. Autant dire que je n'avais aucune attente ni aucune appréhension avant d'aller voir Nope... mais aussi la chance d'avoir été largement épargné par la campagne promotionnelle française, révélant beaucoup trop d'éléments de l'intrigue. 


Car Nope, dans sa première partie, cherche largement à entretenir le mystère autour du phénomène se déroulant au-dessus du ranch Haywood. Dans une démarche citant de façon assez évidente les Rencontres du troisième type et Dents de la mer de Steven Spielberg, Peele joue sur l'invisible et sur les éléments extérieurs pour indiquer que la menace est présente : des chevaux en panique, bruits (terrifiants) de hurlements, un fanion semblant descendre d'un nuage, et des perturbations électromagnétiques. On ne devine ainsi que progressivement la nature du phénomène... avant de nous apercevoir, en même temps que les personnages, qu'il n'est pas ce qu'il semblait être. 

On se retrouve ainsi devant deux parties bien distinctes : la première, où l'on tente d'appréhender l'inconnu, et la seconde où cet inconnu est identifié, et où les personnages vont tenter de lui survivre... mais aussi de capitaliser dessus. Peele en profite alors pour nous livrer des séquences très impressionnantes (l'attaque du ranch), la seconde partie offrant le contrepoint spectaculaire de la première, plutôt lente et posée. 
 
 
Le réalisateur en profite également pour tourner en dérision la recherche permanente du buzz, de la séquence qui fera parler - et enrichira son auteur. Parfois de façon très évidente (le journaliste de TMZ), parfois de façon plus subtile avec le personnage de Jupe (incarné par Steven Yeung, que l'on connaît pour ses rôles dans Mayhem et surtout The Walking dead), ex-enfant star marqué par une expérience traumatisante, qu'il choisit désormais d'utiliser à son profit. On sent également toute l'importance du concept même d'image, autant dans la volonté d'immortaliser l'évènement que dans l'amour que porte le réalisateur pour son art, citant les travaux de Eadweard Muybridge, clamant sa préférence pour les effets spéciaux à l'ancienne, se passionnant pour ces petites mains oubliées ou rejetées par la machine holywoodienne.
 
A mes yeux, si le film semble diviser encore plus que les précédents, Nope réussit même là où Get out et Us échouaient : il va au bon de son concept, et propose une seconde partie très réussie, jusqu'à un final visuellement superbe (on sent que l'influence de l'animation japonaise, et principalement Evangelion, sur Peele, qui en profite aussi pour glisser un clin d'oeil à Akira). Un film que j'ai vraiment hâte de revoir, notamment pour mieux apprécier les moments où Peele se joue de nous, mais aussi parce qu'au-delà de la narration et du visuel du film, j'ai largement apprécié le duo Kaluuya (parfait dans le rôle de ce frère taciturne) - Palmer (rayonnante dans celui de la soeur extravertie). 



samedi 27 août 2022

Lords of chaos

 
Titre : Lords of chaos
Réalisateur : Jonas Akerlund
Acteurs : Rory Culkin, Emory Cohen, Jack Kilmer
Date de sortie en France : 19 juin 2019 (VOD)
Genre : drame, thriller

Synopsis : 
Dans le climat beaucoup trop apaisé de la Norvège des années 1990, Euronymous fonde le groupe Mayhem et devient l’épicentre de la nouvelle scène black métal norvégienne. Sa rencontre avec Varg Vikernes, l’homme derrière le projet musical Burzum, va précipiter les membres de son cercle dans une surenchère criminelle. 
 
Avis : 
Entre réalité et fantasmes, Lords of chaos retrace les premières années du mythique groupe de black metal norvégien Mayhem, en suivant principalement son leader, Euronymous, dans un film dont l'atmosphère oscille constamment entre noirceur et moquerie. 


Car il y a constamment le sentiment d'être devant un groupe de pieds-nickelés lorsqu'on suit les membres du groupe. Euronymous et ses camarades ne sont clairement pas présentés comme des lumières, tout comme Varg plus tard, et entre leur amateurisme, leurs moeurs de métalleux de supermarché (prenant des poses un peu ridicules avec des armes blanches) et leurs discours sans queue ni tête (parfois même interrompus de façon improbables, comme lorsqu'il s'agit d'aller récupérer un kebab au comptoir au beau milieu d'un long monologue contre le métal commercial), on peine à prendre au sérieux tout ce beau monde. On peut comprendre que le projet ait été plutôt mal accueilli dans le milieu du black metal...

Mais cet aspect est régulièrement contrebalancé par la violence du film. Car en plus d'être cons, les personnages s'entraînent mutuellement dans un concours de bites pour savoir qui est le plus "true". Alors on brûle des églises, et on finit par tuer, dans des séquences mises en scène de façon extrêmement froide. La scène du suicide de Dead est ainsi assez dure, même s'il y a toujours dans l'air cette espèce de distanciation un peu moqueuse, et le meurtre de Euronymous suit à peu près le même schéma. 

Au final, j'ai trouvé le film passionnant, vulgarisant de façon efficace l'histoire de Mayhem pour en faire un thriller aussi efficace... que drôle, alors qu'il montre des événements particulièrement sombres. Et si on ne parle finalement presque jamais de musique, c'est surtout cette jeunesse désoeuvrée et prête à tout pour qu'on parle d'elle que l'on garde en mémoire, avec le sentiment que rien n'a vraiment changé depuis...



vendredi 19 août 2022

L'Année du requin

 

Titre : L'Année du requin
Réalisateurs : Ludovic Boukherma, Joran Boukherma
Acteurs : Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi
Date de sortie en France : 3 août 2022
Genre : thriller

Synopsis : 
Maja, gendarme maritime dans les landes, voit se réaliser son pire cauchemar : prendre sa retraite anticipée ! Thierry, son mari, a déjà prévu la place de camping et le mobil home. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Aidée de ses jeunes collègues Eugénie et Blaise, elle saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission… 
 
Avis : 
Le premier film de requins français est une comédie. C'est écrit partout, les bandes-annonces mettent l'accent dessus, et il y a même des acteurs que l'on connaît surtout pour des comédies, comme Kad Mérad ou JP Zadi. Pourtant, le discours des réalisateurs, Ludovic et Joran Boukherma, semble plus modéré : ils définissent L'Année du requin comme un film de monstre ("On aimait l’idée du monstre, de la menace, de cette plage mais on n’avait pas du tout envie de traiter ça comme une blague") destiné à faire peur ("Si on réalise un film de requin, il faut se confronter aux scènes d’affrontements, aux cadavres, à la peur. Il y a tout ça dans le film"). Le problème, c'est que le nouveau film des réalisateurs de Teddy ne fait ni peur, ni sourire. 
 
 
On a en fait l'impression d'un film qui ne sait pas quelle direction prendre, et finit par se perdre en chemin. Si l'ossature est clairement celle d'un thriller estival avec un animal dangereux, on y retrouve des éléments de comédie bien franchouillarde (avec ces flics bien demeurés, ces commerçants bien bornés, ces blagues zizi-pouet), du drame social (le personnage de Marina Foïs, totalement perdu lorsqu'on évoque sa retraite), quelques séquences gentiment horrifiques (l'introduction), le tout saupoudré d'un peu de critique des réseaux sociaux (notamment un parallèle bien bourrin avec la pandémie de Covid-19), d'un fumet d'écologie (vite évacué, cependant) et d'une grosse pincée de Jaws. Aucun de ces points n'est vraiment développé, donnant un film bancal échouant partout, parfois en même temps. On pense ainsi à une séquence assez marquante de violence... avec des personnages avec un nez énorme (ils sont rigolo parce qu'ils ont un gros nez), ou à la mort d'un des personnages principaux, qui ne sera totalement indifférente. 

Il m'aura fallu quelques secondes avant d'émerger du film au moment du générique, tellement j'ai trouvé ce film navrant. Ni comédie, ni film d'horreur, ni drame, ni thriller, à peine le petit téléfilm rappelant l'époque de ces feuilletons sans vie que l'on voyait parfois défiler en allant chez ses grands-parents le dimanche, jusque dans des effets spéciaux dégueulasses et une voix off insupportable...





lundi 15 août 2022

The Pool

 
 
Titre : The Pool (The Pool Narok 6 Metre)
Réalisateur :  Ping Lumpraploeng
Acteurs : Theeradej Wongpuapan, Ratnamon Ratchiratham
Date de sortie en France : 23 février 2021 (VOD)
Genre : horreur

Synopsis : 
A l’issue d’un shooting et surtout de son after, un pubard s’endort sur un matelas pneumatique, au coeur d’une gigantesque piscine. Il se réveille pour constater que le niveau de l’eau a suffisamment baissé pour qu’il se retrouve coincé, sans personne pour le secourir. Un crocodile très joueur le rejoint… 
 
Avis : 
Deux personnes coincées dans une piscine avec un crocodile : c'est le point de départ, assez original, du thaïlandais The Pool, que l'on aura notamment découvert en France grâce au site de streaming Shadowz. Une promesse alléchante, dans un genre, le film de crocodiles, généralement synonyme de médiocrité et de banalité : cette fois, on n'aura que la médiocrité. 
 
 
Il faut dire qu'il est compliqué de débrancher le cerveau et de se laisser porter par le film de Ping Lumpraploeng, tant celui comporte de défauts rédhibitoires. Dès les premières minutes, l'interprétation fait tiquer, et les personnages principaux n'attirent guère la sympathie. Par la suite, entre des effets numériques franchement moches et des péripéties invraisemblables, on glisse peu à peu du survival prometteur au bon gros nanar qui tache. Et on va beaucoup rire. 
 
Car les pauvres Day et Koy ont deux principales qualités : ils sont cons comme des manches à balai (non mais vraiment, au point de ne pas explorer les deux chemins pouvant potentiellement mener à la liberté, à se laisser prendre au piège de la piscine ou à rater lamentablement tout ce qu'ils entreprennent), et sont sans doute les personnages les plus malchanceux du monde, ratant systématiquement des possibilités de s'échapper parce qu'ils regardaient ailleurs. On finit par rire franchement devant l'accumulation improbable de leurs ratés, mais aussi face à l'imagination perverse du scénariste qui donne tout ce qu'il a pour les laisser dans leur piscine, souvent au détriment de toute logique ou de toute cohérence. Mentions spéciales pour la livraison de la pizza, le héros monstrueusement endurant et résistant, ou l'héroïne championne d'apnée. 
 
The Pool ne vient donc pas redorer le blason du film de crocodile, cédant aux sirènes de la surenchère permanente pour un résultat prêtant largement à rire à ses dépens. Un bon gros nanar comme on les aime ! 
 

 
 

dimanche 7 août 2022

Incantation

 

Titre : Incantation (Zhou)
Réalisateur : Kevin Ko
Acteurs : Hsuan-yen Tsai, Ying-Hsuan Kao, Sean Lin
Date de sortie en France : 8 juillet 2022 (Netflix)
Genre : fantastique, épouvante
 
Synopsis : 
Il y a six ans, Lee Jo-nan était frappée d'une malédiction après avoir brisé un tabou religieux. Aujourd'hui, elle doit protéger sa fille des répercussions de ses actes. 
 
Avis : 
Je ne sais pas si c'est pareil pour vous, mais en tant qu'amateur de cinéma d'horreur et d'épouvante, certains qualificatifs allument immédiatement des alarmes dans mon esprit. Les expressions "le film le plus terrifiant" ou "inspiré d'une histoire vraie", les articles sur des sites de mode ou de jeux vidéo sur les spectateurs apparemment traumatisés par un film, les vagues de tweets à la syntaxe acrobatique indiquant que "se filme ma fé fair dé cochemarres lol ptdr", tout ceci me donne envie de fuir. Tout comme la mention "found footage", devenue depuis longtemps synonyme presque systématique de "bonne grosse daube fauchée sans imagination". Et j'avoue me méfier des films estampillés Netflix, Amazon Prime, Disney+... Alors forcément, quand un found-footage arrive de Taïwan, avec l'étiquette Netflix, auréolé du titre de "plus gros succès horrifique du pays" et qu'il a provoqué plus de terreur chez les adolescents que l'ouverture d'un Bescherelle, tous les voyants sont au rouge ! Mais quand même, là-bas, au fond, quelques petits signes m'ont incité à donner une chance à Incantation : les avis plutôt positifs de quelques connaissances, et les avis les plus négatifs sur Allociné. Merci à vous, car contre toute attente, j'ai plutôt aimé le film de Kevin Ko, malgré quelques gros défauts. 
 

 

La première chose qui frappe devant Incantation, c'est sa volonté d'impliquer le spectateur. A ce titre, on peut presque se réjouir de découvrir le film sur Netflix, et de pouvoir le regarder seul, dans le noir, plutôt que dans une salle bondée. Dès les premières minutes, le personnage principal nous interpelle directement, brisant le sacrosaint quatrième mur, nous fait participer à quelques illusions d'optique, et nous invite à mémoriser une image et à retenir et réciter une incantation afin de protéger sa fille, manifestement victime d'une malédiction ou d'une possession, si l'on en croit les images que nous avons vues un peu plus tôt. Et, régulièrement, on viendra nous rappeler cette fameuse incantation (Hou-ho-xiu-yi, Si-sei-wu-ma), nous plongeant entièrement dans le récit. Et si le procédé semble d'abord un peu gratuit, un peu facile, le final nous montrera au contraire que cette façon d'impliquer le spectateur était une vraie bonne idée.

Passées ces instructions, nous nous retrouvons d'abord devant un found-footage assez classique, lorgnant clairement vers Paranormal Activity par exemple (le son qui accompagne les manifestations étranges, l'ombre qui semble s'intéresser à la gamine), en plus agressif. Nous n'en sommes encore qu'aux premières minutes que l'esprit, le fantôme ou le démon qui tourne autour de Ronan et de Dodo s'en est déjà donné à coeur joie pour effrayer le spectateur et, même si l'on connaît parfaitement ces ficelles, cette agressivité est assez efficace. 
 

 
Le rythme retombe ensuite légèrement, tandis qu'Incantation nous aiguille sur sa principale thématique, celle de la malédiction autour de Dodo. C'est sans doute là que se trouve le principal défaut du film... mais aussi l'une de ses principales qualités : l'enquête est assez passionnante, d'autant que l'on découvre totalement le culte lié à Mère Bouddha, entre incantations, sacrifices, et offrandes. Des rituels obscurs, souvent associés au body horror (trypophobes s'abstenir), dont on va, comme les personnages, tenter de recoller les morceaux, comme pour un puzzle macabre. Un puzzle d'autant plus compliqué à appréhender que la narration du film est très éclatée, jonglant sans prévenir entre les époques, nous laissant parfois un peu confus. 

Difficile de vraiment savoir si ce procédé handicape réellement le film : d'un côté, il renforce clairement le sentiment d'inconfort du spectateur qui, déjà baladé par les mouvements des caméras portées par les protagonistes, ne peut même pas réfléchir tranquillement aux éléments qu'il a face à lui. De l'autre, il est parfois vraiment frustrant, et peut clairement faire décrocher les moins attentifs, d'autant que le film est assez long et parfois assez bavard. Il faudrait presque le regarder une seconde fois assez rapidement pour mieux appréhender l'ensemble des subtilités... mais qui en aura vraiment envie ?
 

 
L'éclatement de la narration permet également de détourner un peu l'attention des thématiques souvent classiques, et que l'on connaît déjà via les représentants les plus connus de la J-Horror. L'idée d'une malédiction se transmettant rappelle ainsi Ring ou Kaïro, les allers-retours temporels évoquent la saga Ju-On, et la détérioration de l'état mental de la mère, ainsi que ses conséquences sur la santé de sa fille, font quant à eux écho à Dark water. On retrouve également quelques séquences assez classiques, mais souvent efficaces, de l'apparition furtive d'une ombre à cette route qui se répète, encore et encore, en passant par des objets qui bougent seuls : sans cette malédiction que l'on découvre petit à petit, nous serions sans doute en terrain (très) connu, ce qui ne retire rien à la force de certains passages, comme la visite de la grotte, au centre du mystère. On sera même surpris par le faible nombre de jump-scares, ce qui est forcément une qualité pour un film tentant surtout d'installer une ambiance. 

En dehors d'une narration parfois agaçante, cet Incantation a donc été pour moi une très bonne surprise. Si l'on n'est certes pas sur le film le plus terrifiant de tous les temps. J'ai vraiment adoré découvrir les éléments de cet étrange culte et cette malédiction, j'ai parfois frissonné, et j'ai adoré la façon qu'a le film d'impliquer le spectateur, jusque dans un final vraiment étonnant. Allez, tous avec moi : Hou-ho-xiu-yi, Si-sei-wu-ma, Hou-ho-xiu-yi, Si-sei-wu-ma... Tout va bien se passer.
 

 

Prey

 
Titre : Prey
Réalisateur : Dan Trachtenberg
Acteurs : Amber Midthunder, Dane DiLiegro, Dakota Beavers
Date de sortie en France : 5 août 2022 (Disney+)
Genre : science-fiction, action

Synopsis : 
Il y a trois siècles sur le territoire des Comanches, Naru, une farouche et brillante guerrière, se fait désormais un devoir de protéger sa tribu dès qu’un danger la menace. Elle découvre que la proie qu’elle traque en ce moment n’est autre qu’un prédateur extraterrestre particulièrement évolué doté d’un arsenal de pointe des plus sophistiqués. Une confrontation aussi perverse que terrifiante s’engage bientôt entre les deux adversaires...  

Avis : 
Voici une saga dont on n'osait plus rien attendre : depuis sa première apparition en 1987, le Predator n'avait guère été à son avantage au cinéma, entre suites oubliables et crossovers sans grand intérêt. Aussi, l'annonce d'un nouvel épisode consacré au chasseur extraterrestre, sortant directement sur Hulu et Disney+, n'incitait pas vraiment à l'enthousiasme. Et pourtant, ce Prey est, à mes yeux, le meilleur épisode de la série après celui de John McTiernan. 
 

 
L'idée de ce Prey est née en 2016, avant que Dan Trachtenberg et le scénariste Partick Aison n'approchent en 2018 la production du très moyen The Predator. D'abord nommé "Skulls", le projet a longtemps essayé de masquer son appartenance à la saga, afin de surprendre les spectateurs. Mais, forcément, les réseaux sociaux sont entretemps passés par là, au grand désespoir de Trachtenberg.

Avec Prey, la saga revient aux sources, au propre comme au figuré. Le film de Dan Trachtenberg (à qui l'on doit également le très bon 10 Cloverfield lane) nous emmène dans l'Amérique sauvage du 18e siècle, aux côtés d'une tribu Comanche, confrontée à ce qui est peut-être le premier Predator à avoir foulé notre planète. Un retour aux environnements naturels donc, et à un équipement limité, ce qui va permettre de revenir aux fondamentaux de la saga : la chasse, la survie, l'astuce pour abattre un adversaire plus puissant et mieux équipé, et cette thématique constante du chasseur devenant le chassé. Prey, c'est Naru contre le Predator, dans un affrontement résonnant comme un rite de passage pour la jeune femme superbement interprétée par Amber Midthunder et destinée à rejoindre Ripley au Panthéon des femmes fortes du cinéma fantastique. 


Arc, hache, lances et connaissance du terrain pour l'une, équipement sophistiqué (mais toujours un peu primitif, comme le casque ou les armes de corps à corps), puissance, agilité et découverte des lieux pour le second : l'affrontement sera intense, avec quelques scènes d'action très réussies, et montera en puissance au fil du film, l'héroïne apprenant peu à peu à connaître son adversaire. Un adversaire qui redevient enfin le prédateur implacable qui avait donné tant de mal à Schwarzenegger et son équipe, se révélant même assez effrayant par moments.

Alors, évidemment, le film ne sera pas exempt de défauts, au premier rang desquels les effets spéciaux numériques, qui semblent trahir un certain manque de moyens, notamment lors de l'hommage un peu forcé à The Revenant. A titre personnel, j'ai également été gêné par les voyageurs francophones, qui n'apportent pas grand chose au récit (mais augmentent le bodycount et permettent de faire un clin d'oeil à Predator 2), et dont les dialogues sont souvent incompréhensibles...

Bref, Prey est une excellente surprise qui, en revenant à l'essentiel tout en développant sa propre identité, nous offre le meilleur volet de la saga depuis 1987. Violent, intense, le film aurait même mérité une sortie au cinéma, mais on peut comprendre que les volets précédents aient refroidi les producteurs. On parle déjà d'une suite, ce qui semble cohérent avec le générique de fin... mais franchement, est-ce bien nécessaire ?