jeudi 26 mai 2022

Dark Water


Titre : Dark Water (Honogurai mizu no soko kara)
Réalisateur : Hideo Nakata
Acteurs : Hitomi Kuroki, Rio Kanno, Mirei Oguchi
Date de sortie en France : 26 février 2003
Genre : épouvante, drame 
 
Synopsis : 
En instance de divorce, Yoshimi et sa fille de six ans Ikuko emménagent dans un immeuble vétuste de la banlieue de Tokyo. Alors qu’elles tentent de s’acclimater à leur nouvelle vie des phénomènes mystérieux se produisent. Qui est cette fillette en ciré jaune qui se promène dans les couloirs ? Pourquoi un petit sac pour enfant rouge ne cesse d’apparaître entre les mains d’Ikuko ? Quelle est l’origine de ces ruissellements qui s’étendent sur les murs et le plafond de leur appartement ? Une menace venue de l’au-delà va tenter de séparer la mère de sa fille. 
 
Avis : 
Après le succès de Ring, Hideo Nakata s'est rapidement retrouvé, un peu malgré lui, catalogué comme maître de l'épouvante. Pourtant, lui-même confesse volontiers n'avoir que peu d'intérêt pour le cinéma d'horreur, lui préférant plutôt le drame. Un goût que l'on retrouvait largement dans Ring et Ring 2, Sadako étant principalement décrite comme une victime, et qui va largement imprégner son chef d'oeuvre : le superbe Dark Water
 
 
Car avant d'être un redoutable film d'épouvante, Dark Water est avant tout un drame : celui d'une mère qui tente d'élever seule sa fille suite à son divorce. Yoshimi doit retrouver un logement convenable, chercher un travail, et rendre compte régulièrement de sa capacité à s'occuper correctement de sa fille. En somme, une situation particulièrement stressante pour une mère, que l'on renvoie sans cesse à son statut de faible femme : on n'hésite pas à lui cacher les vices de son nouvel appartement, à l'ignorer ostensiblement lorsqu'elle signale un problème, à lui mettre une formidable pression au moindre aléa. La réalisation de Nakata renforce d'ailleurs superbement ce sentiment d'infériorité imposé à Yoshimi en mettant systématiquement en avant les figures masculines qui sont en contact avec elle. 

L'épouvante va ainsi venir épouser les contours d'une peur bien plus terre à terre : celle de perdre la garde de son enfant, d'être totalement dépassée dans un environnement inconnu et hostile. Si l'eau est évidemment l'élément catalyseur des apparitions du spectre auquel est confronté la mère divorcée, elle vient en premier lieu renforcer le sentiment de solitude et d'égarement du personnage : son nouvel immeuble semble constamment arrosé par une pluie intense, et son propre appartement est envahi par un élément étranger, l'eau s'infiltrant du logement du dessus. 
 
 
C'est sans doute pour cela que Dark Water, s'il n'use pourtant pas de grands artifices pour effrayer le spectateur, est aussi efficace. Il part d'éléments tangibles, que chacun redoute, pour faire naître le fantastique, faisant également naître le doute sur l'état mental de Yoshimi : finalement, l'appartement inondé du dessus, qu'elle visite le temps d'une séquence impressionnante, n'est pas aussi dégradé lorsqu'elle y revient... avec des hommes. Et ce cartable rouge, qui la met dans tous ses états lorsqu'elle le voit, ce n'est qu'un banal cartable de jeune écolière, non ?

A l'image de l'eau qui s'infiltre, d'abord lentement, puis de plus en plus intensément, dans l'appartement de Yoshiki, l'angoisse progresse peu à peu chez le spectateur, à mesure que l'on découvre la nature de la menace... et du drame qui s'est joué dans cet immeuble. Et, si comme je le disais quelques lignes plus haut, Nakata n'use pas d'artifices démesurés, il nous offre quelques séquences mémorables et tétanisantes, comme ces passages dans l'ascenseur ou les visites à l'étage supérieur ou sur le toit. Et si le film fait peur, il va également réussir à nous tirer quelques larmes en fin de film. 

Ring était un classique immédiat. Dark Water est tout simplement le chef d'oeuvre de son réalisateur. Un drame horrifique prenant, intelligent, terrifiant et émouvant. Tout ce que ne sera pas son triste remake, à peine trois ans plus tard, réalisé par Walter Salles et avec Jennifer Connelly. 



 

mercredi 18 mai 2022

Mutronics

 
 
Titre : Mutronics (The Guyver)
Réalisateur : Screaming Mad George, Steve Wang
Acteurs : Jack Armstrong, Mark Hamill, Vivian Wu
Date de sortie en France : 
Genre : science-fiction, super-héros

Synopsis :
Los Angeles, années 1990 – Un jeune homme, Sean Barker, découvre accidentellement un étrange appareil, le Guyver. Cet artefact peut se transformer en armure, conférant à celui qui la possède des pouvoirs considérables. Le Guyver est activement recherché par les Zoanoids, des extraterrestres belliqueux. Avec l’aide de Mizuki, sa petite amie, et de Max Reed, un agent de la CIA, Barker devra affronter les Zoanoids...
 
Avis : 
 Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, Predator, Les Griffes du cauchemar (Freddy 3), Le Cauchemar de Freddy, Silent night, deadly night 4 & 5, Progeny, et bien sûr Society : le CV de Screaming Mad George, spécialiste des effets spéciaux, est franchement bien rempli. Tout comme celui de Steve Wang, que l'on retrouve notamment sur Predator, lui aussi, mais également sur des films tels que The Monster Squad, Transmutations ou encore Gremlins 2. Ensemble, ils vont réaliser Mutronics, adaptation du manga Guyver, pour un film qui fleure bon les années 90, pour le meilleur comme pour le pire. 
 
 
Si le manga de Yoshiki Takaya est apparemment assez sérieux, sombre et violent, Screaming Mad George et Steve Wang choisissent d'en prendre le contrepied total, peut-être inquiets de ne pas réussir à reproduire une ambiance sérieuse avec des monstres en latex. Résultat : un film d'action / SF totalement fou, d'une générosité franchement réjouissante, que l'on regarde entre sourire béat et moue dépitée, une oeuvre qui ne s'embarrasse ni du bon goût, ni d'un scénario cohérent, ni même de personnages intéressants.

Mais que sont ces défauts face à l'immense point fort du film : ses monstres ? Si l'on pourra certainement qualifier le film de nanar et le trouver ridicule, on pourra difficilement nier la qualité des costumes, avec des créatures qui ont une vraie personnalité (parfois trop, même). Et ça tombe bien, le film est particulièrement généreux avec ses Zoanoids, les montrant le plus possible dans sa seconde partie et multipliant les affrontements pour le plus grand plaisir du fan de tokusatsu que je suis. Bien sûr, on pourra regretter leurs séquences humoristico-ringardes, très typées années 90 (le bon gros personnage stéréotypé de Striker, juste là pour être le noir amusant de service, même après sa transformation), mais ça fait aussi partie de la douce folie du film, et je dois avouer que ça m'amuse assez. 
 
 
 
On s'amusera aussi de la présence de nombreuses tronches du cinéma fantastique de l'époque. On retrouve ainsi Mark Hamill (doit-on encore présenter le Luke Skywalker de la saga Star Wars ?), agent de la CIA moustachu dont la principale fonction est d'apparaître sur les supports promotionnels du film, quitte à faire croire au spectateur qu'il sera le fameux Guyver du film ; Michael Berryman (La Colline a des yeux, Une créature de rêve, Amazonia la jungle blanche...), qui en fait des tonnes ; Linnea Quigley (Le Retour des morts-vivants), dans une apparition en tant que... Scream Queen ; Jeffrey Combs (le fameux savant fou de Re-Animator), dans le rôle du Dr... East ; et surtout le formidable David Gale (le Dr. Hill de Re-Animator également), qui éclipse facilement le reste du casting en cabotinant comme si sa vie en dépendait !


Bref, Mutronics est un véritable plaisir coupable, le genre de bobines un peu folles et formidablement généreuses que ne pouvaient offrir que les années 90 : si vous êtes fans de monstres en latex qui se foutent sur la tronche pendant 40 minutes en faisant des bonds de 10 mètres, d'acteurs qui en font des tonnes, de bons gros clichés un peu honteux, de clins d'oeil un peu foireux, alors le film de Screaming Mad George et Steve Wang est fait pour vous !
 
 

EN PLUS : 

Disponible en BR chez Le Chat qui fume, en VOST et VF, et avec en bonus une présentation du film par l'inévitable et passionnant Julien Sévéon !

mardi 17 mai 2022

The Northman

 
Titre : The Northman
Réalisateur : Robert Eggers
Acteurs : Alexander Skarsgard, Anya Taylor-Joy, Nicolas Kidman
Date de sortie en France : 11 mai 2022
Genre : drame, action

Synopsis : 
Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s'empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth est devenu un berserkr, un guerrier viking capable d'entrer dans une fureur bestiale, qui pille et met à feu, avec ses frères berserkir, des villages slaves jusqu'à ce qu'une devineresse lui rappelle son vœu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Il embarque alors sur un bateau pour l'Islande et entre, avec l'aide d'Olga, une jeune Slave prise comme esclave, dans la ferme de son oncle, en se faisant lui aussi passer pour un esclave, avec l'intention d'y perpétrer sa vengeance. 
 
Avis :  
Après les excellents The Witch et The Lighthouse, Robert Eggers revient avec un budget plus conséquent pour une énième relecture du mythe d'Hamlet (ou de la légende scandinave d'Amleth). Une histoire de vengeance exercée par des guerriers barbus grognant à moitié à poil, sur fond de folklore scandinave, dans laquelle on cherchera désespérément un peu d'originalité. 
 

Car le Viking est à la mode depuis quelques années, de la série Vikings au jeu Assassin's Creed Valhalla (déjà souvent similaires), et on commence à faire le tour de la question. Aussi, quand le roi Aurvandill se fait trahir par son frère (si vous n'avez pas compris, à son physique, que ce personnage était méchant...), obligeant le fils à se venger, personne ne sera surpris. Sauf peut-être les scénaristes, qui semblent estimer que c'est encore trop compliqué, et nous rappellent plusieurs fois que le personnage principal est en quête de vengeance. 

Et c'est bien dommage, car en dehors de ce scénario rachitique (et de ses très grosses ficelles...), on ne peut que saluer la mise en scène de Robert Eggers, qui nous offre quelques séquences d'une formidable intensité, notamment avec quelques plan-séquences à couper le souffle, ou les scènes fantasmagoriques. Visuellement, tant dans la réalisation que dans la reconstitution, c'est à couper le souffle. On ne pourra malheureusement pas en dire autant de Alexander Skarsgard, dont le charisme est, dans le film, proportionnel à la longueur des poils, ou de Nicole Kidman. En revanche, j'aurais adoré voir plus longtemps Willem Dafoe !

Petite déception donc que ce Northman, qui souffre sans doute d'arriver après la bataille et de ne rien offrir de nouveau. Un blockbuster finalement assez classique, que l'on suivra sans ennui (ce qui est presque un défaut, notamment à côté d'un Valhalla rising bien plus exigeant... et plus réussi) mais sans passion. Allez, on espère que Eggers se reprendra sur le remake de Nosferatu, où son sens de l'image et de la mise en scène peut faire des merveilles ! 



mardi 3 mai 2022

Ring

 
Titre : Ring (Ringu)
Réalisateur : Hideo Nakata
Acteurs : Nanako Matsushima, Miki Nakatani, Hiroyuki Sanada
Date de sortie en France : 11 avril 2001
Genre : épouvante
 
Synopsis : 
Tokyo, fin des années 2000, une ru­meur se répand parmi les adoles­cents : visionner une mystérieuse cassette vidéo provoquerait une mort cer­taine au bout d’une semaine. Après le dé­cès inexplicable de sa nièce, la journaliste Reiko Asakawa décide de mener l’enquête mais se retrouve elle-même sous le coup de la malédiction. Pendant les sept jours qui lui restent à vivre, elle devra remonter à l’origine de la vidéo fatale et affronter le spectre qui hante les télévisions : Sadako. 
 
Avis : 
Japon, 1998 : une date pour le cinéma d'épouvante mondial. En adaptant le roman Ring de Koji Suzuki, Hideo Nakata a créé, il y a presque 25 ans, une des figures les plus mythiques du cinéma nippon, et entraîné un élan d'intérêt pour le cinéma d'épouvante asiatique, et plus particulièrement la "J-Horror". Dark Water, du même Hideo Nakata, Kaïro, de Kiyoshi Kurosawa, La Mort en ligne de Takashi Miike, la saga Ju-On de Takashi Shimizu, mais aussi les thaïlandais The Eye des frères Pang ou Shutter de Banjong Pisanthanakun et Parkpoom Wongpoom, jusqu'à la vague de remakes américains par Gore Verbinski (Le Cercle - The Ring), Walter Salles (Dark Water) ou Shimizu lui-même (The Grudge) : tous sont les enfants de Ring
 
 
On retrouve ainsi dans le film de Nakata l'ensemble des ingrédients qui définiront le genre. Si le spectre d'une jeune femme aux cheveux longs était relativement inconnu en Occident, il constitue une figure assez classique du folklore japonais : on pense ainsi fortement à Oiwa, l'esprit vengeur au visage difforme, que Ring semble directement évoquer, ou Kuchisake-onna, la femme à la bouche fendue, directement citée au début du film. Des esprits vengeurs donc, pour une malédiction qui restera souvent attachée à un objet : la cassette vidéo ici, la maison de Ju-On, le téléphone de La Mort en ligne... Une malédiction qui donnera au spectre un aspect dramatique, l'esprit revenant se venger d'une mort souvent brutale. L'épouvante et le drame sont ainsi intimement liés dans ces oeuvres, donnant à ces fantômes une aura toute particulière. 

Cette spécificité explique sans doute le rythme si particulier du film : principalement dédié à l'enquête, il distille ses frissons à petites doses, préférant installer après la diffusion de la vidéo maudite une ambiance qui devient peu à peu pesante. On est loin de la foire aux jump-scares que l'on retrouve dans le cinéma épouvante actuel, ce qui pourra sans doute faire fuir les spectateurs confondant "sursauter" et "avoir peur". En revanche, le procédé est redoutablement efficace pour ceux qui aiment sentir s'installer une tension sournoise, pour n'en être libéré qu'avec la célèbre scène où Sadako apparaît enfin pour exercer sa vengeance.  
 

 
Si Ring fait peur, c'est aussi parce que son histoire est passionnante. Loin d'être un simple prétexte, l'enquête menée par Reiko et Ryuji (interprété par Hiroyuki Sanada, que l'on connaît surtout en France pour San Ku Kai, et qui est depuis devenu un visage récurrent à Hollywood, apparaissant dans des films tels que Sunshine, Army of the dead, Avengers : endgame ou encore Mortal Kombat (2021)) nous plonge dans les superstitions et légendes des îles japonaises. On embarque ainsi vers Izu Ô-shima, dont le volcan accueillerait selon les mythes les suicides des amoureux déçus. Dialecte local, coutumes, importance de la mer, fréquence des typhons : c'est dans ce décor particulier qu'ils découvrent l'histoire de la médium Shizuko Yamamura et de sa fille Sadako. Par le biais de flashbacks, on comprend comment le destin de la mère et de sa fille ont basculé, et comment la malédiction va naître. 

Avec cette légende urbaine qui prend vie devant nos yeux, Hideo Nakata met donc les nerfs du spectateur à rude épreuve, et fait naître un pan tout entier du cinéma d'épouvante. On n'oubliera pas de sitôt l'apparition de Sadako, ni la terrible scène du puits ou même la vidéo maudite, des séquences fortes ponctuant un film à l'ambiance pesante. Un must, qui sera suivi d'une suite (Ring 2), d'une préquelle (Ring 0), d'un remake américain (le pas mauvais du tout Le Cercle) et de ses suites et reboots (Le Cercle 2, Le Cercle : Rings), puis de nouveaux épisodes au Japon (Sadako 3D et sa suite), d'un cross-over avec Ju-On (Sadako vs Kayako) avant un ultime (pour le moment ?) volet conçu comme une suite directe à Ring 2, sobrement intitulé Sadako (mais pas 3D, cette fois). Quelque chose me dit que la jeune fille aux longs cheveux noirs n'a pas fini de nous hanter malgré la mort de la VHS... mais qu'elle n'aura plus jamais la puissance de ses débuts.