Titre : Wadjda
Réalisatrice : Haifaa Al Mansour
Acteurs : Waad Mohammed, Reem Abdullah, Abdullrahman Al Gohani
Date de sortie en France : 6 février 2013
Genre : drame
Synopsis :
Wadjda, douze ans, habite dans une banlieue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Bien qu’elle grandisse dans un milieu conservateur, c’est une fille pleine de vie qui porte jeans et baskets, écoute du rock et ne rêve que d’une chose : s’acheter le beau vélo vert qui lui permettra de faire la course avec son ami Abdallah. Mais au royaume wahhabite, les bicyclettes sont réservées aux hommes car elles constituent une menace pour la vertu des jeunes filles.
Wadjda se voit donc refuser par sa mère la somme nécessaire à cet achat. Déterminée à trouver l’argent par ses propres moyens, elle décide alors de participer au concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante, la somme tant désirée.
Avis :
Premier film réalisé sur le territoire du Royaume d'Arabie Saoudite, premier film saoudien réalisé par une femme, Wadjda est forcément un film particulier, dans un pays très marqué par l'inégalité homme / femme. Haifaa Al Mansour, la réalisatrice, a d'ailleurs évoqué plusieurs des difficultés rencontrées par le tournage, certains passants acceptant mal son travail ou le fait qu'elle travaille avec des hommes, ou le casting difficile pour la jeune Wadjda, les familles saoudiennes refusant souvent de voir leurs filles apparaître à l'écran.
Cela n'empêchera pas de trouver la perle rare, Waad Mohammed, dont l'attitude moins conformiste lors des auditions collait à merveille avec le personnage principal du film. En effet, la jeune Wadjda, à l'image de la jeune Marjane dans Persépolis, ne parvient pas à se fondre dans le moule, ne supporte pas le poids de traditions qu'elle ne comprend pas et qu'on cherche à lui imposer. Elle porte des Converses, ne se soucie guère du regard des hommes, et ne souhaite qu'une chose : pouvoir acheter une bicyclette afin de faire la course avec son ami Abdallah. Et donc, en un sens, afin d'être son égal. Son innocence juvénile se heurtera néanmoins aux remontrances de son entourage, sa maire ou la directrice de son école ne manquant pas de la rappeler à l'ordre pour qu'elle se conforme comme une honnête femme saoudienne.
Haifaa Al Mansour évoque donc avec ce film la place de la femme dans son pays, avec ces inégalités omniprésentes (Wadjda ne peut avoir de bicyclette, sa mère ne peut conduire une voiture, l'arbre généalogique ne comporte que les noms des hommes), l'importance de la tradition et du regard des autres. Si le film est, à l'image de l'égyptien Les Femmes du bus 678, une formidable vitrine sur la condition de la femme au Moyen-Orient, il le fait en finesse, sans jamais grossir le trait : le père de Wadjda est montré, comme les autres, comme prisonnier des traditions, pressé par exemple par sa mère et ses amis pour épouser une nouvelle femme, la mère de la jeune héroïne étant incapable de lui donner une descendance masculine.
La quête de la jeune Wadjda nous permet de suivre une fillette attachante, débrouillarde (on s'amusera des stratagèmes qu'elle utilise pour gagner un peu d'argent), d'une rafraîchissante honnêteté (qui pourra forcément lui nuire). Un personnage parfaitement interprété par la jeune Waad Mohammed, dont c'est le tout premier film, qui composera un duo pétillant avec son complice à l'écran, Abdullrahman Al Gohani, pour une de ces histoires d'amitié - amour attendrissantes toute en subtilité que nous offre trop rarement le cinéma.
Avec Wadjda, on redécouvre donc une partie de la culture saoudienne, tout comme les films d'Asghar Farhadi (Les Enfants de Belle Ville, Une séparation) permettaient d'avoir un regard nouveau sur l'Iran. Partant d'une base très simple, la volonté d'une jeune fille d'acheter une bicyclette, le film nous livre donc une très belle histoire autour des thèmes de l'espoir et de la ténacité, et usant à merveille de la métaphore pour évoquer la situation de la femme en Arabie Saoudite sans sombrer dans la caricature.
Note : 9/10